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Monday, July 30, 2007

*La lutte contre le terrorisme: un garant de la sécurité ou un danger pour la liberté?*


*** « Sécurité » et « liberté » font parties des besoins fondamentaux existentiels des Hommes. Ces deux valeurs sont souvent mises en opposition. Patricia Schneider et Erwin Müller se demandent comment peut-on garantir la sécurité, sans entraver les libertés des individus?

A l'époque d'une société mondialisée, confrontée au terrorisme international qui ne connait pas de frontières, les institutions internationales se sont également chargées d'une mission de « production de sécurité ». Et ce principalement pour la raison que des pays seuls ne sont plus de taille à se mesurer au terrorisme à cause de ce caractère. L'Union européenne en fait également partie.

Quand on parle de sécurité, on en vient généralement au concept de liberté. « Sécurité » et « liberté » sont considérés depuis toujours comme des besoins fondamentaux et donc comme des valeurs fondamentales auxquelles on accorde souvent une relation tendue au sens d'une opposition plus ou moins catégorique. Plus l'une des deux variable est grande, plus l'autre est petite : quand l'une grandit, l'autre se réduit. Par conséquent, c'est entre ces deux pôles qu'évolue l'action de l'Etat – ou du moins de l'Etat de droit – qui tire sa légitimité de la protection (« sécurité ») et du respect (« liberté ») de la dignité humaine. Celle-ci se concrétise par un catalogue de droits de l'Homme et du Citoyen.

Cela est valable aussi bien pour le combat contre la criminalité en général que pour la défense contre le terrorisme en particulier. Il s'agit de trouver l'équilibre parfait entre les deux valeurs, car il existe une opposition ou un antagonisme entre liberté et sécurité. Cette démarche scientifique, utilisée notamment en sciences sociales, par les journalistes critiques et les mouvements de citoyens, sera appelée dans le présent article école de pensée A.

Aux côtés de l'école de pensée A, il y a un autre courant de pensée, soutenu par les hommes politiques en charge de la sécurité (école de pensée B), qui lui est diamétralement opposée, puisqu'elle voit une corrélation positive entre les deux valeurs. Plus de sécurité équivaut à plus de liberté. Quelques penseurs de ce courant de pensée partent même du principe qu'il n'y a « pas de liberté sans sécurité », comme par exemple les membres du gouvernement fédéral. Par conséquent, la sécurité devient une condition nécéssaire à la liberté. La relation entre les deux valeurs devrait donc être considéré comme harmonieuse ou même comme dépendante l'une de l'autre.
La contradiction, qui semblait éclatante à la première lecture, entre les différentes positions peut s'expliquer de la manière suivante. Les deux courants de pensée partent simplement de différentes sortes de liberté. Pour l'école de pensée A, il s'agit de la liberté en tant que libération de la répression d'un Etat ; pour l'autre école, il s'agit de la liberté au sens de libération de la menace terroriste par des acteurs privés. Les positions des deux courants sont donc plausibles en soi, mais faute de points de départ différents communs, elles sont pourtant inconciliables. Cet état de fait se reflète dans de nombreuses discussions entre partisans des deux écoles, qui tiennent alors un dialogue de sourds.

Que signifie cet état de fait pour le développement idéal des rapports entre sécurité et liberté ? Le cas de l'école de pensée B ne pose pas de problème : plus une variable est importante (sécurité), plus l'autre (liberté) l'est aussi. Quand la sécurité a son prix, celui-ci en tous cas n'est pas établi aux dépends de la liberté. Prenons par exemple les coûts financiers pour renforcer un appareil sécuritaire comme l'augmentation des moyens de la police, des services secrets et de l'armée.

Le cas de l'école A est lui beaucoup plus compliqué : deux valeurs s'influencent mutuellement en sens contraire. C'est pourquoi on ne peut pas parler de la maximisation de l'expression des valeurs, qui va généralement avec. Une maximisation de la sécurité conduirait à la minimisation voire même à l'élimination de la liberté. Il en va de même pour le développement inverse. Le but n'est donc pas la maximisation, mais l'optimisation.

Ce problème est surtout connu dans le domaine économique : le prix (P) d'un produit doit être le plus haut possible, tout comme la quantité écoulée (Q). Les deux se contredisent complètement, car plus le prix est élevé, moins il se vendra facilement. Lorsque les produits sont bradés, l'écoulement s'accélère. Pourtant, le but de la boutique est de réaliser un chiffre d'affaires le plus élevé possible (CA), qui constitue le produit à partir du prix et de la quantité écoulée : CA= PxQ. Cette formule désigne une parabole contraire avec un sommet. Ce sommet représente la combinaison optimale des deux variables. Toutes les autres combinaisons sont sans intérêts. La difficulté dans ce cas repose sur le fait qu'on ne peut pas réaliser un calcul exact pour les valeurs liberté et sécurité de ce genre. Au contraire des variables prix et quantité écoulée, les valeurs liberté et sécurité ne peuvent pas être quantifiées. Ce qui nous conduit à reconnaître le principe comme tel et à agir ensuite.
En tous cas, une politique de lutte contre le terrorisme qui prétend satisfaire aux exigences de rationalité, d'éthique responsable comme de garantie de l'Etat de droit, doit se tourner vers les standards minimum suivants d'effectivité et d'efficience d'une part, de respect du droit d'autre part. C'est seulement ainsi qu'on peut garantir que la liberté des hommes dont il faut assurer la protection ne sera pas limitée, sans leur garantir une compensation en gain de sécurité.

La lutte contre le terrorisme doit être organisée au niveau international (donc aussi dans le cadre de l'UE), pour avoir une vraie chance contre un terrorisme agissant à l'échelle mondiale.

Dans ce contexte, elle peut avoir recours à tous les instruments préventifs et policiers autorisés, conformes à l'Etat de droit et à tous les instruments pénaux et répressifs (principe de la légalité).

Du point de vue d'une politique sécuritaire, activisme peu effectif, qui en tant que politique symbolique ne fait naître qu'un sentiment illusoire de sécurité et qui doit simplement avoir un effet appaisant et fidélisant, est à éviter (principe de l'opportunité).

Des mesures de lutte contre le terrorisme sont à aménager, si possible de telle manière à ce qu'on parvienne à un gain de sécurité sans entrave aux libertés des citoyens. Là où ceci est inévitable de par la nature de la chose, il faudra alors, dans un processus d'équilibrage des biens, soupeser chaque gain potentiel de sécurité face à la perte de liberté associée, de telle sorte que le profit surclasse le plus possible les coûts (principe de l'économie).

Toute comparaison proportionnelle mise à part, reste, selon les critères de l'Etat de droit, un noyau de droits aux libertés qui sont pour ainsi dire à « point de comparaison fixe ». C'est avant tout valable, quand la dignité des Hommes qualifiée d'« inviolable » dans la Loi fondamentale est concernée. En d'autres termes : une limite absolue a été définié à cet endroit à toute mesure de lutte contre le terrorisme, quand bien même celle-ci serait particulièrement effective. Cette limite existe aussi longtemps que la liberté ne doit pas être sacrifiée dans sa totalité à la sécurité, qui à défaut d'être une valeur – qu'il faudrait garantir – serait sans fonction et sans object.


Patricia Schneider
Dr. phil., professeur à l'institut des études sur la solution pacifique de conflits et de la politique de sécurité à l'université de Hambourg.

Erwin Müller
Dr. rer. soc., depuis 1981 professeur à l'institut des études sur la solution pacifique de conflits et de la politique de sécurité à l'université de Hambourg. Il a fait des études de sciences politiques, de sciences sociales et de l'histoire à Tübingen.

Eurotopics

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