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Tuesday, June 26, 2007

*Exit la racine carrée, vive le compromis *

*** Au terme des négociations de Bruxelles, la Pologne a consenti à un compromis. Si le système de vote selon la "racine carrée" n'a pas trouvé preneur, la Pologne conservera jusqu'en 2014 sa position privilégiée prévue par le traité de Nice. Plutôt un succès, estime la presse polonaise.

La Pologne a cédé le 24 juin sur la "racine carrée" (pour les frères Kaczinsky, il s'agissait de promouvoir un système de répartition des voix entre pays membres fondé sur la racine carrée du nombre d'habitants – et réduire ainsi l'influence des grands pays, et en particulier de l'Allemagne], mais elle a obtenu le maintien jusqu'en 2014 du système prévu par le traité de Nice, très favorable pour elle (il donne 27 voix à la Pologne, quand l'Allemagne en a 29). Il sera ensuite remplacé par un système à double majorité, renforcé d'un garde-fou en forme de compromis de Ioannina jusqu'en 2017 ; ce compromis, qui porte le nom d'une île grecque, permet à un petit groupe de pays qui, pendant le vote d'une décision à la majorité qualifiée, seraient proches du seuil de la minorité de blocage sans l'atteindre de demander le réexamen de cette décision.

"Le sommet européen de Bruxelles est, après tout, un succès. La fermeté des frères Kaczynski s'est révélée payante, et, même si elle suscite de l'hostilité vis-à-vis de notre pays, celui-ci est devenu un partenaire indispensable dans toutes les décisions de l'Union", écrit Cezary Michalski, rédacteur adjoint du quotidien de droite Dziennik, idéologiquement proche de la ligne du gouvernement polonais. Selon lui, les Kaczynski ont fait un sans-faute, et la menace d'un veto polonais ne fut pas une erreur.

En revanche, le fait de mettre sur la table les 6 millions de victimes polonaises de la Seconde Guerre mondiale pour appuyer les revendications polonaises était malvenu, affirme le quotidien. "Pour Angela Merkel, Hitler est tout aussi éloigné idéologiquement qu'il l'est pour le Premier ministre polonais Jaroslaw Kaczynski. Le coup était douloureux, sans être plus efficace pour autant… ", poursuit Michalski. "Il ne faut pas considérer l'Europe comme un adversaire à qui l'on réclame de l'argent, tout en la menaçant, si elle n'en donne pas assez, de ressortir Auschwitz aux Allemands, la 'drôle de guerre' aux Français et aux Britanniques leur présence à Yalta."

"Un compromis peu digeste", titre de son côté le quotidien de droite Rzeczpospolita. Piotr Semka, autre commentateur proche de Kaczynski, ne sait comment qualifier le résultat du sommet européen : "Succès ou catastrophe ? Ni l'un ni l'autre ? Peut-être juste un compromis qui a permis aux frères Kaczynski de s'en sortir en sauvant la face. Un compromis qui nous a contraints à abandonner la racine carrée, mais qui irrite les politiciens allemands attachés à la double majorité, favorable à Berlin…"

Dans le quotidien Gazeta Wyborcza, l'ancien ministre des Affaires étrangères polonais Adam Rotfeld fait une allusion à la menace "la racine ou la mort", maintes fois réitérée par les frères Kaczynski avant le sommet. "Il est bien que les négociateurs polonais aient compris qu'il ne vaut pas la peine de s'exposer inutilement à la mort en temps de paix", ironise-t-il, avant d'ajouter : "Je suis certain que c'est une décision favorable à la Pologne."

Le journal populaire Super Express regrette quant à lui la solitude de la Pologne sur la scène européenne. "La Pologne se félicite (plus ou moins) du sommet européen (plus ou moins réussi), mais il faut mettre un bémol à ces réjouissances générales. De ces négociations serrées à Bruxelles, nous devrons tirer des conclusions pour l'avenir : ni la racine carrée, ni Nice, ni Ioannina, ni même le fait d'accorder à la Pologne 50 ou 150 places supplémentaires au Parlement européen n'augmentera notre influence sur le destin de l'Europe, explique le tabloïd, si nous restons comme le doigt du bûcheron : d'autant plus visible que c'est le seul qui reste… "


Iwona Ostapkowicz
Courrier International

*Photo : Le président polonais Lech Kaczinsky à Bruxelles, le 23 juin
AFP

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