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Sunday, June 24, 2007

*A Bruxelles, Nicolas Sarkozy a mis en scène son habilité diplomatique*


***Comme au théâtre à la fin de la pièce, il faut bien remercier. Alors, il s'exécute. Merci à Angela Merkel, avec laquelle il dit avoir travaillé "main dans la main", et à Tony Blair, et à José Luis Zapatero, pour "leur collaboration fructueuse", et "à toute l'équipe française".

Mais, au fond de lui-même, le président de la République n'est pas loin de se croire le seul responsable de l'accord entre les Vingt-Sept trouvé, samedi 23 juin, sur son idée de "traité simplifié", qui permet à l'Union européenne de sortir de l'impasse institutionnelle où l'avaient confinée les non français et néerlandais.

Nicolas Sarkozy tient son premier succès diplomatique. Et, lorsqu'il pénètre, à 4 h 40, dans la salle de conférence de presse, flanqué de Bernard Kouchner et Jean-Pierre Jouyet, ce couche-tôt affiche le sourire radieux d'un noctambule ravi. "Nous voulions le traité simplifié, nous avons le traité simplifié." Il raconte : "Nous sommes passés pas loin de la rupture."

Tout s'est joué pour lui la veille. Il est 20 heures quand la chancelière allemande, Angela Merkel, le prévient que Varsovie rejette la dernière proposition, sur le système de vote au sein du conseil des ministres. A bout de patience, elle menace de convoquer une conférence intergouvernementale à vingt-six. Le président de la République entrevoit tout le profit qu'il peut tirer de ce blocage, s'il parvient à le forcer.

Et décide de poursuivre l'offensive. "Il n'était pas possible de laisser de côté le plus grand pays d'Europe de l'Est, moins de vingt ans après la chute du mur de Berlin", dira-t-il lors de sa conférence de presse. Un reproche à peine voilé à l'égard de Mme Merkel.

Cette bataille-là, les journalistes ont pu la suivre quasiment en direct grâce aux détails scrupuleusement fournis par David Martinon, porte-parole de l'Elysée, au cours de ses nombreuses interventions au cours du sommet. Au septième étage du siège du Conseil, dans le bureau de la délégation française, quatre heures de négociations serrées commencent avec le duo Jaroslaw Kaczynski à Varsovie et son frère Lech à Bruxelles. En tête-à-tête ou en compagnie de Tony Blair, José-Luis Zapatero, Jean-Claude Junker, M. Sarkozy écoute, argumente, propose.

"J'ai même proposé de faire un discours devant la Diète, à Varsovie", confiera le chef de l'Etat comme preuve de son inépuisable bonne volonté.

Vers 23 heures, la délégation française exprime son optimisme : "On est vraiment au bord d'un accord. On le tient." Puis, la délivrance : "Les Polonais ont dit tak", se félicite-t-on. Et qu'importe si l'annonce, à cette heure, est encore prématurée. L'objectif de cette communication permanente est double : convaincre de l'habileté diplomatique de M. Sarkozy et lui donner le meilleur rôle. Une manière également, en cas d'éventuel échec, de pouvoir rejeter l'accusation de n'avoir pas tout tenté.

Aux petites heures de la matinée, samedi, il était évident pour la délégation française que cet accord ne pouvait être qu'un effet de l'arrivée au pouvoir de M. Sarkozy. "En un mois et demi, avait glissé, jeudi, le chef de l'Etat, il s'est passé plus de choses qu'en deux ans."

"Ce qui a été positif, déclare-t-il samedi, c'est qu'un candidat à la présidentielle ait eu le courage de dire qu'il n'y aurait pas de référendum." Il encourage la presse à lui tresser des lauriers : "C'est le sommet le plus important depuis des années. Vous qui êtes des spécialistes, vous pouvez le dire."

Il se félicite également de sa méthode par laquelle il a cherché à dépasser les limites du couple franco-allemand pour associer Tony Blair et José-Luis Zapatero aux négociations avec la Pologne. Mais il entend déjà les railleurs : "Je suis certain que des tas de gens diront que c'était facile. Les mêmes sans doute qui pensaient que c'était impossible."

Autre motif de satisfaction pour celui qui voulait, durant sa campagne, "réconcilier la France du oui et la France du non", la notion de concurrence n'apparaît plus comme un "objectif de l'Union" dans le traité simplifié. "C'est un moyen au service du marché intérieur", a expliqué M. Sarkozy. La France, s'est-il félicité, a également obtenu que mention soit faite que "l'Union contribue à la protection de ses citoyens". Deux conquêtes qui, espère-t-il sans le dire, lui vaudront la clémence de la gauche quand il s'agira de voter le texte au Congrès, où la droite ne dispose pas de la majorité des trois cinquièmes.

"Il ne s'agissait pas de (...) faire le traité du libéralisme expliqué à tous les Européens, continue-t-il. Il s'agit de tourner le dos à l'idéologie, au dogme et à la naïveté. On peut considérer que c'est de la politique. Mais c'est peut-être parce qu'on n'a pas fait assez de politique en Europe qu'on s'est retrouvé avec une Europe dans laquelle les gens ne se reconnaissaient plus."

Moins d'une semaine après le succès - moins large que prévu - de la majorité présidentielle aux législatives, le chef de l'Etat peut souffler : "Une semaine comme ça, ça compte dans la vie d'un président." Envie d'un break ? "Cela ne fait que commencer, s'amuse-t-il, vous savez que j'ai été élu pour cinq ans..."

Philippe Ridet
24.06.07.
Le Monde

*Photo :Nicolas Sarkozy et son ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner, le 23 juin, à Bruxelles.
AFP/PATRICK KOVARIK

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